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24 août 2009

CO LO NEL

colo_imageL'impresario avait insisté pour attirer l'attention. Insisté sur la fonction de celui qui allait à son tour et pour le compte de la famille du marié prendre la parole. CO LO NEL avait-il redit, annonçant que le propos serait plus "sec" que celui de la petite soeur de la mariée qui venait en quelques mots à la fois amusants et pleins d'émotion de parler au nom de sa famille. C'était au mariage d'un ami. Un compagnon de galère dont je fus jadis voisin de palier durant nos années de fac. J'ai vécu avec lui quelques uns de ses 400 coups. J'aime bien cette idée de fragmenter les 400 coups; de fractionner cette expression. Elle m'était venue comme çà spontanément. Lorsque deux commensaux, amies de la mariée, avaient trahi une curiosité suspecte quand je leur avais dit que je connaissais le marié avec qui j'avais fait les 400 coups. A l'illumination de leur regard dans l'attente de quelques détails croustillants de son ancienne vie, j'avais déjoué. Non je ne connaissais que 100 de ces coups. La curiosité ne se fit pas plus insistante. Ca tombait bien il était temps d'écouter le CO LO NEL qui parlerait sec. Qui parla à coup sûr long. Très long. Je trouve toujours particulièrement inélégants ceux qui en pareilles circonstances monopolisent trop longtemps la parole, retardant le moment du repas. C'est fou les différences de perception que les belles familles ont souvent des tourtereaux à l'honneur. La belle-soeur avait dit à quel point elle n'avait pas cru, au début, à la longévité du couple tant les deux amoureux étaient différents. Elle avait décrit son "beauf" comme "lymphatique". Entendre mou, nonchalant, hypotonique. Alors que sa soeur à elle était tout le contraire: tonique, dynamique. En un mot, avait-elle résumé, il "était noir et elle blanche"... N'est-ce pas?!? Eh bien, le représentant de la famille du marié avait la lecture juste contraire. Il avait dû pour ça retarder e repas d'un quart d'heure à vingt minutes.Blablablablabla. Et blablablabla. Puis il avait remercié la mariée pour avoir été l'eau qui savait si bien tempérer la fougue et l'impétuosité de son jeune frère, contrôler son impatience. S'il fallait résumer selon les critères de la soeur de la mariée, on dirait qu'il "était blanc et elle noire". Ah il faut que je dise: le marié est un compatriote camerounais, la mariée belge native natale comme disent mes amis haïtiens. L'homme de troupe avait enchaîné lieux communs, métaphores footballistiques et anecdotes intimes. Celle par exemple de sa première rencontre avec sa future belle-soeur. En visite au bercail, son jeune frère ne l'avait pas prévenu qu'il arrivait avec deux étrangers: sa dame blanche et leur fils. Rendu compte du tableau une fois à l'aéroport, il en avait un peu voulu à ce petit frère qui aurait dû le renseigner sur ces détails car cette femme méritait mieux que d'être transportée de Yaoundé au village natale dans la voiture peu confortable qu'il conduisait à l'époque surtout compte tenu de l'état des routes. Alors usant de son autorité, il avait fait venir un hélicoptère de l'armée camerounaise pour assurer le transport de cette femme qui, parce que blanche, ne méritait pas d'affronter les routes inégales et caillouteuses de la capitale... C'est ça qui gère la violence légale dans mon pays!


Pourquoi le colonel avait-il donc raconté cette anecdote ridicule? Sans doute en partie pour la frime. Ce penchant de certains de laisser entendre qu'ils ne sont "pas n'importe qui". Dans la catégorie Anthologie des Inepties, le propos du militaire me rappelle cette réplique de BEMBA père, dans une oeuvre du documentariste belge Thierry MICHEL, qui expliquait qu'il fumait du cigare pour montrer aux Blancs qu'un Noir pouvait aussi fumer du cigare. Rien que çà! Avec un peu de culture, il aurait su que des Noirs en fabriquaient à Cuba et ailleurs. Laissons les morts où ils sont et revenons au colonel.


Comment tant de travers peuvent-ils élire domicile en un seul être? Prévarication par détournement du bien public. Complexe d'infériorité. Farotage(*). Le tout exprimé sans le moindre sentiment d'une distorsion. Quels comportements la société africaine contemporaine accepte-t-elle comme relevant de la dignité si un compatriote de ce rang social pour se faire valoir débite de telles inepties en toute assurance?


(*) farotage: frime dans l'argot ivoirien; surtout la génération coupé-décalé.

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Commentaires
S
J'apprécie l'élégance du prêtre d'un certain âge ! Comme quoi, parout il y a des hommes pour avoir une vision juste de l'orgueil humain.
S
Souvenir Souvenir<br /> Je garde le souvenir amusé d'un convive chargé de dire les bénédicités lors d'un voyage éprouvant. Par piété ou par bavardage, il n'avait fait ni dans l'économie des mots ni dans la gestion du temps. Un prêtre d'un certain âge qui était des convives lui fit très subtilement la remarque qu'il n'est pas bon qu'une prière d'avatn repas tire trop en longueur. Le tout avec cette élégance empreinte d'ironie et d'enseignement dont savent faire montre les sages au pays.
S
Cette opinion que nous avons de nous-mêmes et de nos idées nous autorise beaucoup de choses. Goethe disait dans son roman LES AFFINITES ELECTVES que quiconque parle trop longtemps sans flatter son auditoire ne tarde pas à s'attirer son animosité (je le cite de mémoire). Le sentiment éprouvé à l'égard de ce CO LO NEL qui a monopolisé la parole et le temps de l'assistance est tout à fait légitime.<br /> <br /> Belle narration avec des variations agréables !
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  • Sur cet espace, je m'exprimerai sur des sujets variables qui sont mes centres d'intérêt et qui couvrent divers aspects allant de la politique africaine à la littérature négro-africaine en passant par le sport et la musique.
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